E+C- , c’est le nom du nouveau label « bâtiments à énergie positive et réduction carbone » impulsé par le gouvernement. Il préfigure la future réglementation énergétique et environnementale du bâtiment. Quels sont ces critères et ces exigences ?
Décryptage.
« Éradiquer les passoires thermiques dans les dix prochaines années. » La priorité est clairement affichée par le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, qui a présenté en septembre un plan d’envergure de lutte contre les émissions carbone. Un objectif ambitieux alors que la France dénombre aujourd’hui près de sept millions de bâtiments mal isolés et énergivores. Si 288 000 rénovations énergétiques performantes et très performantes ont été réalisées en 2014 selon l’Ademe, le rythme des rénovations devra être soutenu pour parvenir à relever le défi.
« Il y a une conviction très forte aujourd’hui, c’est qu’il va falloir rénover le parc existant« , fait savoir Jean-Christophe Visier, directeur Énergie et environnement au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). « Il y a une demande de diminution des factures de chauffage et d’action sur le climat de la part des pouvoirs publics et des particuliers. Les artisans peuvent convaincre et agir à leur niveau« , complète l’expert du CSTB. Toutefois, si la rénovation énergétique apparaît comme une priorité, la construction neuve est également amenée à évoluer. La tendance aujourd’hui réside dans une meilleure prise en compte de l’analyse du cycle de vie des bâtiments et de son impact environnemental.
Vers une nouvelle réglementation
Preuve de cette dynamique, l’expérimentation actuellement menée auprès des maîtres d’ouvrage volontaires du label « Bâtiment à énergie positive et réduction carbone » (E+C-). Lancée par l’État fin 2016, elle préfigure l’établissement de la prochaine réglementation énergétique et environnementale, en associant l’ensemble des acteurs pour dépasser, in fine, les exigences de la RT 2012. L’objectif ? Améliorer la prise en compte du poids carbone des bâtiments neufs dès 2018 et encourager la construction de bâtiments à énergie positive à l’horizon 2020, comme le propose la loi de transition énergétique pour la croissance verte.
» L’expérimentation E+C- prend en compte le poids carbone des produits dans le processus de construction. «
Jean Passini (FFB)
« Contrairement à ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui, l’expérimentation E+C- prend en compte le poids carbone des produits dans le processus de construction. Cela permettra de définir à terme l’empreinte carbone d’un bâtiment« , explique Jean-Christophe Visier. Une démarche « inédite » pour Jean Passini, président de la commission Environnement et construction durable à la FFB, qui salue « la possibilité d’expérimenter avant de définir une réglementation » .
Une transformation pour les artisans, notamment, qui devront faire évoluer leur manière de travailler, en particulier dans le choix des matériaux. « Les artisans devront poser des produits qui respectent certains niveaux d’efficacité énergétique et d’empreinte carbone« , anticipe l’expert du CSTB, qui les invite à s’emparer du sujet dès aujourd’hui. « Les conséquences résideront davantage dans les choix de matériaux et de solutions techniques que dans la mise en oeuvre proprement dite« , estime également Jean Passini.
Pour cela, la base des données environnementales et sanitaires pour le bâtiment, Inies, sert de référence aux professionnels. Chaque produit dispose, en effet, d’une fiche de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) présentant les résultats de l’analyse de cycle de vie d’un produit de construction. « Tout l’enjeu aujourd’hui est de produire ces fiches pour l’ensemble des matériaux afin de donner la possibilité aux professionnels de choisir les produits en fonction de leur impact carbone« , prévient Bérenger Favre, ingénieur de recherche à TBC Innovations, une société de conseil et d’études spécialisée dans la R & D de produits et services innovants pour le bâtiment. « On manque de données environnementales chiffrées sur certains produits et matériaux de construction mais les filières se saisissent du problème« , fait savoir, de son côté, Jean Passini.
Mais plus largement, comme le précise l’ingénieur de TBC Innovations, « les professionnels du bâtiment devront faire attention à avoir un calcul global de l’empreinte carbone à l’échelle du bâtiment« .
E+C- : une approche pédagogique nécessaire
Pour accompagner méthodiquement les acteurs du bâtiment, le CSTB apporte une première réponse aux interrogations sur l’expérimentation E+C-. « Nous proposons des vidéos pédagogiques gratuites de premier niveau pour informer et expliciter la démarche, présente Jean-Christophe Visier. Des formations sur l’expérimentation E+C- sont déjà organisées et seront complétées dans les prochains mois par une mallette pédagogique ainsi que par des Moocs.«
Le Plan Bâtiment Durable accompagne également la montée en compétence des artisans avec des cours en ligne.
Quid des normes ?
Une exigence qui s’ajoute aux évolutions attendues de la partie énergétique contenues dans la RT 2012. « Les critères de la RT 2012 vont être améliorés, prédit l’ingénieur de TBC Innovations. Il y aura vraisemblablement une incitation à la production d’énergies renouvelables afin d’obtenir les meilleurs niveaux d’énergie du label E+C-« .
Une direction qui, sans inquiéter la FFB, suscite une légère appréhension. « La grande nouveauté est que l’on se positionne sur deux axes : la question carbone et la question énergétique. Les deux vont être plus compliquées à concilier« , admet Jean Passini.
Toutefois, cette expérimentation ne doit pas éluder le souhait du secteur d’une pause dans l’établissement de nouvelles normes. « On verrait d’un bon oeil que la réglementation ne change pas aussi rapidement. C’est ce que nous avons défendu auprès du nouveau gouvernement« , ajoute le président de la commission Environnement de la FFB. Un sentiment semble-t-il entendu par Emmanuel Macron, qui a indiqué vouloir un gel des nouvelles normes environnementales et sociales pour relancer la construction de logements en France.
» Notre système constructif est compatible avec la réduction carbone «
Maisons Privat – Les Maisons Privat sont à l’origine d’une maison bioclimatique de 130 m² labellisée E+C-
« Le chantier s’est très bien passé« , tient d’emblée à rassurer Jean-Marc Beyrand, directeur de Maisons Privat, lorsqu’il évoque l’un des premiers projets labellisés E+C- (Énergie niveau ¾ et Carbone niveau ½) en phase de conception et dont l’entreprise vendéenne est à l’origine. Certifié NF habitat HQE et labellisé E+C- , le projet, une maison bioclimatique de 130 m², est le premier à disposer de ces deux spécificités. Mais qu’en est-il de la phase de conception ? Jean-Marc Beyrand admet que « le chantier a nécessité une réflexion poussée en amont et une étude cohérente en tenant compte des caractéristiques de chaque matériau et de son poids carbone« .
S’il reconnaît « un moment de flottement lors du choix des composants pour l’isolation« , Jean-Marc Beyrand assure que la mise en oeuvre ne diffère pas, « seul le respect du projet et des études est le plus délicat. Notre système constructif est compatible avec la réduction carbone« . Un avis partagé par Nicolas Burneleau, plombier-électricien ayant participé au chantier : « Concrètement, ça ne change rien dès lors que les matériaux et les composants ont été bien sélectionnés et qu’ils respectent le cahier des charges. On les installe de la même manière« .
Néanmoins, l’expérimentation doit encore être poursuivie pour être améliorée. « Les exigences ne sont pas forcément cohérentes. Par exemple, on est moins pénalisé à ne pas récupérer les eaux de pluie« , relève le directeur de Maisons Privat. Il n’empêche, si la maison E+C- peut être « un argument de vente pour une clientèle certes marginale mais attachée à l’écologie« , son coût s’avère supérieur de 8 % à celui d’une maison classique.
Repères :
Raison sociale : SAS Privat Bati Concept
Activité : Constructeur de maisons individuelles
Siège social : Bellevigny (Vendée)
Année de création : 1994
Dirigeant : Jean-Marc Beyrand
Effectif : 74 salariés
CA 2016 : 10 M €
Cet article de presse citant Maisons Privat est accessible ici.